De l'art d'une conversation réussie sur Internet Billet

Difficile de garder son calme quand tout conspire à nous faire sortir de nos gonds sur les réseaux sociaux. Quelques principes (forcément subjectifs) permettent cependant de favoriser une discussion intéressante. Voici les facteurs de danger que relève Thomas Gaon de l'Observatoire des mondes numériques en sciences humaines (OMNSH).

En ligne, les débats partent souvent "en live". Comme dans la vraie vie nous sommes plus motivés par l'envie d'avoir raison que de débattre raisonnablement. C'est une question d'éducation. Tels les hommes politiques qui engagent des combats de personnes nous ne sommes souvent tentés, pour convaincre, d'user que d'un ton péremptoire et d'arguments fallacieux.

1 - Méfiez-vous de l' "effet de désinhibition"

Sur internet nous ne sommes pas tout-à-fait nous-même. Au contraire d'une discussion en face-à-face, où les attitudes et le langage corporel dépendent de notre prestance et de la manière dont on se sent, nous ne sommes pas influencés par ce sentiment d'inhibition qui régit les rapports de force. Nous sommes donc déshinibés, protégés de la menace physique (et ancestrale) de l'autre. Comme au volant, nous nous sentons tout-puissant.

L'absence de signaux "infraverbaux" (expressions du visage, gestes) déshumanise l'autre. Une tendance encore plus marquée quand on discute avec de parfaits inconnus. Le risque est grand, alors, d'oublier ses scrupules. Par ailleurs, privé des signaux visuels et d'informations pertinentes le cerveau complète le tableau selon ses propres fantasmes.

2 - Profitez du principe d'asynchronie

Sur internet nous ne sommes pas contraints de répondre du tac-o-tac. On peut prendre le temps de structurer son argumentation. Préférez les longs pavés aux saillies instantanées en lettres capitales.

3 - Méfiez-vous des effets de groupe

Sur les réseaux sociaux, le jeu de la discussion se joue à trois : vous, votre contradicteur et le groupe. C'est ce qu'on appelle en analyse transactionnelle le "triangle dramatique". Tantôt victime, tantôt persécuteur, tantôt sauveur nous naviguons entre ces attitudes selon notre nature et la situation. En groupe, l'affaire se complique.

Pensez par et pour vous-même

Face à une provocation nous souhaitons préserver notre image. Pour nous-même et pour les autres (nos amis facebook, par exemple). Cela nous pousse souvent à "aller jusqu'au bout". Parfois trop loin. La tentation est par ailleurs grande de "hurler avec les loups". En cas de harcèlement, par exemple, on aura tendance à suivre le mouvement au détriment de la victime. Il faut combattre cette tendance naturelle. Celle-ci est particulièrement marquée chez les ados dont la "pression des pairs" est particulièrement importante.

Agissez comme en famille

Nouvel arrivant sur un forum au ton provocateur ou agressif, le groupe vous exhortera à exprimer votre agressivité. Mieux vaut quitter un groupe haineux que de risquer le dérapage, même motivé par la curiosité.

En famille nous restons vigilants à ne pas aborder les sujets de discorde afin de ne pas briser le lien. Cette attitude est aussi de mise avec nos proches sur les réseaux. C'est une attitude dont on peut s'inspirer lorsque la question de garder ou pas un ami en ligne se pose. Cependant la vie est triste sans débat. On peut garder quelques amis avec qui on peut discuter sans se crêper le chignon.

4 - Établissez des règles et tenez vous-y

Par principe, les réseaux sociaux ne sont pas le lieu idéal du débat d'idée. Pas "d'autorité de contrôle" qui peut arbitrer entre les argumentations. Il faut donc se fixer des règles et s'y tenir. Celui qui ne raisonne plus transgresse la règle et la discussion devient obsolète. Passez votre chemin !

Pour autant ils restent la tribune qui vous permet d'exposer vos idées, de les mettre en ordre, de les argumenter à l'aide de sources et de références. Ne cherchez pas à avoir raison mais plutôt à convaincre. Profitez de ces espaces où l'on peut construire un argumentaire de qualité.

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